La forêt : un point d'alerte majeur selon le HCC
Le rapport annuel 2022 du Haut Conseil pour le Climat (HCC), nous rappelle que les impacts du changement climatique s’aggravent en France. La forêt se détériore, et avec ça, sa capacité de capter du CO2.
Si nous souhaitons atteindre la neutralité carbone en 2050, comme nous le suggère fortement la Stratégie National Bas Carbone, préserver la forêt est une priorité.
Les forêts dépérissent
Les forêts souffrent du dérèglement climatique de manière directe (sécheresse, tempêtes) et indirecte (incendies, scolytes). Le châtaignier, le frêne et l’épicéa commun sont particulièrement affectés selon l’IGN[1].
Les années 2018 et 2019, consécutives, ont particulièrement fait de mal à la forêt française. Et ces épisodes climatiques vont s’intensifier et être plus fréquents à l’avenir selon le Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'évolution du Climat (GIEC).
[1] IGN, https://www.ign.fr/reperes/bilan-de-sante-des-forets-francaises
+30%
Stock d'arbres morts sur pied de moins de 5 ans sur les années 2018-2019
Selon le HCC, les températures influencent également la répartition des biomes (milieux écologiques) en conduisant à un déplacement vers le nord et en altitude des zones climatiques en Europe.
Aussi, chaque essence a une aire géographique, un milieu, des conditions particulières qui lui permettent de se développer dans de bonnes conditions.
Si ses conditions changent, les essences doivent s’adapter. Ainsi, les aires géographiques propices au bon épanouissement des essences se déplacent. Le paysage forestier français est en train d’évoluer. Les essences méditerranéennes comme le chêne vert ou le chêne liège s’étendent vers la Bretagne et la région parisienne, tandis que celles du hêtre se réduisent en se déplaçant vers le nord de l’Europe. Celles des sapins collinéens des Vosges ou du Jura pourraient même disparaître.
Globalement, les forêts d'Europe de l'Ouest sont négativement impactées par les évènements chauds et secs extrêmes, ce qui affecte directement leur capacité à séquestrer le carbone.
La forêt réduit sa capacité de stockage de CO2
Le rapport du HCC nous rappelle que la forêt est un levier stratégique afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Les forêts constituent le principal puits carbone français, mais leur capacité de stockage a chuté fortement. Elle s’est effondrée de 48%, passant de près de 59 Mt éqCO2 en 2010 à 30 Mt éqCO2 en 2020.
La capacité de stockage de CO2 des forêts a diminué de 48%
entre 2010 et 2020
3 FACTEURS DE DETERIORATION DES PUITS FORESTIERS :
La détérioration du puits forestier s’explique principalement par 3 facteurs :
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La diminution de la production biologique : 88,8 Mm3 par an en moyenne entre 2011 et 2019, à comparer à 91,5 Mm3 par an entre 2005 et 2013 ;
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L’augmentation de la mortalité : le nombre et la fréquence des sécheresses, des tempêtes et des incendies affectent directement les conditions de vie des arbres, ce qui est favorable au développement de ravageurs comme les scolytes. En France métropolitaine, la mortalité annuelle s’élève en moyenne à 10,0 Mm3 par an sur la période 2011-2019. Cette mortalité est en hausse de 35 % par rapport à la période 2005-2013. Elle représente 0,4 % du volume total de bois vivant sur pied.
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La hausse des prélèvements : en France métropolitaine, le volume annuel des prélèvements étant en moyenne de 50,1 Mm³/an sur la période 2011-2019 contre 42,4 Mm³/an sur la période 2005-2013.
Les objectifs de neutralité carbone de la SNBC sont à revoir
La forêt reste fortement sollicitée dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) à la fois pour capter du carbone dans les sols, mais aussi pour le séquestrer dans les produits bois et comme source d’énergie et de matériaux renouvelables (cf. graphique ci-dessous partagé par l'Institute for Climate Economics - I4CE).
Dans la filière forêt-bois, la SNBC parie sur l’augmentation de la récolte, quitte à dégrader le puits national de 32 MtCO2 /an dans les forêts en place, une dégradation à moitié compensée en réorientant le bois récolté vers des usages à plus longue durée de vie. De nouvelles plantations sur des prairies considérées comme peu productives, le prolongement des boisements par accrus naturels et la réduction de la déforestation permettent également de stocker 17 MtCO2/an, aboutissant à une quasi-stabilité du puits de la filière prise dans son ensemble autour de 50 MtCO2 /an.
Source : I4CE, Puits de carbone : L’ambition de la France est-elle réaliste ? Fév. 2022
La SNBC intègre le besoin d’adaptation des forêts au changement climatique avec plusieurs centaines de millions d'€ mis sur la table d'ici à 2030 pour aider au renouvellement forestier. Ces aides sont désormais soumises à davantage d’écoconditions et bonifiées, ce qui représente une bonne nouvelle pour le vivant et la faculté de résilience des forêts. Les Assises de la forêt clôturées en mars de cette année vont dans ce sens en soutenant la diversité des essences dans un même écosystème et en recommandant d’amplifier les investissements déjà consacrés au renouvellement forestier et à l’adaptation au changement climatique des forêts [2]. Toutefois, le HCC nous rappelle qu’«au rythme et aux financements actuels, il ne sera possible d’intervenir que sur 8-12 % de la superficie métropolitaine des forêts d’ici 2050 ».
[2] Source : https://agriculture.gouv.fr/cloture-des-assises-de-la-foret-et-du-bois
Les investissements consacrés au renouvellement forestier ont progressé, mais sont encore nettement insuffisants pour adapter les forêts françaises au changement climatique d’ici à 2050.
Ce que nous pouvons faire
Face à un phénomène qu’il est impossible de contenir à court terme et inévitable (le changement climatique pour les décennies à venir est déjà défini par nos émissions de gaz à effet de serre passées), la solution principale semble être de s'ADAPTER.
Au rythme et aux financements actuels, il ne sera possible d’intervenir que sur 8-12 % de la superficie métropolitaine des forêts d’ici 2050
La filière bois forêt n’a pas fait l’objet de politiques industrielles d’accompagnement ces dernières décennies et nécessite une forte restructuration pour la mettre en phase avec la trajectoire de la SNBC.
La France connait un solde commercial positif sur le bois brut mais négatif pour l’ensemble des produits transformés de la filière. Une déconnexion des intérêts de l’amont et de l’aval a caractérisé les entreprises du bois et de la forêt : en amont, exportation de grumes à des prix plus élevés sur les marchés internationaux que locaux ; en aval, cessation d’activité des scieries et autres transformateurs de bois qui ne peuvent plus s’approvisionner à des prix compétitifs
Le HCC propose plusieurs solutions pour la filière forêt-bois, que nous pouvons reprendre ici :
RENFORCER LE SOUTIEN A L’ENSEMBLE DE LA FILIÈRE
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Renforcer les connaissances et l’observation concernant l’évolution des puits de carbone forestiers et les méthodes d’adaptation de la forêt au changement climatique en confortant à cette fin l’ONF et l’IGN, ainsi que la recherche amont
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Sensibiliser les propriétaires forestiers afin d’éviter les coupes rases et replantations mono-espèce, ainsi que les reboisements avec des essences inadaptées aux évolutions climatiques en renforçant les critères des bonnes pratiques forestières
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Soutenir les acteurs industriels de la filière en les aidant à se structurer, à se former et à se développer tout en favorisant des prix de vente et d’achat acceptables afin que le bois français soit transformé autant que possible sur le territoire national, contribuant ainsi à réduire l’empreinte carbone des produits finis
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ÉLABORER UN PLAN D’ADAPTATION DE LA FORÊT COHÉRENT AVEC LA SNBC
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Accélérer les investissements en faveur de l’adaptation des forêts métropolitaines au changement climatique et les structurer au sein d’un plan national cohérent avec la SNBC
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Augmenter significativement les lignes budgétaires visant le renouvellement des forêts, leur résilience et leur diversité
Pour ce qui est de CERF VERT, nous rejoignons les propositions du Haut Conseil pour le Climat. Par notre sylviculture qui maintient un couvert forestier continu, qui favorise la diversité des essences, un multiusage de la forêt, nous faisons de nos forêts des écosystèmes plus résilient face au changement climatique. Nous participons au façonnement des forêts de demain qui nous permettrons d’atteindre la neutralité carbone et préserver le vivant.
Pour aller plus loin